Ivan Illich revisité par l’inspecteur ! Partie 3.

Les développements qui suivent font suite aux 2 billets déjà édités sur ce blog :

Et nous retrouvons Ricardo Méndez accoudé au zinc d’un des nombreux bars populaires de son quartier, un verre d’eau à la main… Le flic le plus méprisé de Barcelone, réputé pour son inaction face à une délinquance insupportable aux yeux des nouveaux bourgeois de sa ville, est littéralement absorbé par la lecture d’un petit fascicule :

Rosa, la tenancière du « Flauta Rambla« , ex-prostituée et maîtresse occasionnelle de l’officier, est inquiète. La lumière dure d’un lampadaire suspendu, à l’abat-jour oxydé par les volutes de fumée des La Aroma Del Caribe E.E. No. 4 que la patronne offre avec parcimonie à ses meilleurs clients, inonde le visage de Ricardo et en accentue l’aspect buriné et jaunâtre de sa peau grêlée…

Ricardo… Quel est l’immature carabin qui a osé… osé t’interdire vins et bières que tu aimes tant ? Mon ami est malade… C’est certain…
Rosa, en pleine introspection.

Rosa n’était en fait pas si loin que ça de la vérité… Car notre ami inspecteur, à travers l’argumentaire du brillant Yvan va bien ici débattre de santé publique, d’hygiénisme, de professionnalisation de la médecine et, in fine, de la mort…

Dans Némésis médicale, un petit bouquin facile à lire de moins de 350 pages et primo-édité en 1975, Illich va démontrer que l’institution médicale est devenue l’une des principales menaces qui pèsent sur la santé. Nous sommes en 2024. Le temps lui a donné indiscutablement raison.

La démonstration est brillante. Les mots sont forts.

La médecine est maligne.
Yvan Illich.

Némésis médicale

Némésis, dans la mythologie grecque, est la déesse de la vengeance dont le courroux s’abat inéluctablement sur les humains coupables d’hybris.

Némésis médicale. Le titre a déjà tout signifié.
Ricardo Méndez.

Le développement d’Illich repose sur 3 parties où il sera question de… iatrogénèse » :

Rappelons, pour ceux qui auraient oublié leurs humanités, l’éthymologie de « iatrogénèse » qui signifie littéralement « provoqué par le médecin » (du grec ancien ἰατρός  / iatros / « médecin », et γένεσις  / genesis , « origine »).

La iatrogénèse clinique

La démonstration repose sur un constat :

  • L’espérance de vie des sociétés technologiquement avancées et donc dotées d’un système de santé très coûteux stagne voire régresse,
  • les actes médicaux ne réduisent pas la morbidité globale,
  • bien pire encore, actes médicaux et programmes de santé publique engendrent des maladies iatrogènes (effets indésirables comme des angoisses, des infections, des infirmités… voire la mort).

Opération réussie, patient décédé !
Ricardo Méndez

Et Illich de prendre nombre d’exemples pour étayer tout cela. En ce début de siècle, tout va dans le sens décrit il y a près de 50 ans par ce grand philosophe, que l’on considère les effets des traitements anti-cancéreux ou ceux des  vaccins…

La pandémie de Covid-19 apparaîtra, quand  les derniers masques  seront enfin tombés, un cas d’école qui renforcera encore la puissance des travaux d’Ivan.

La iatrogénèse sociale

Les effets iatrogènes ont aussi et surtout des impacts sur le fonctionnement même des sociétés médicalement avancées. Il y a décorrélation entre le niveau des dépenses de santé et les résultats obtenus, les dépenses pharmaceutiques explosent en partie à cause du renouvellement d’une nouvelle pharmacopée qui n’a pas prouvé son efficacité par rapport aux anciennes molécules bien moins onéreuses puisque débrevetées mais aussi nettement moins dangereuses puisque beaucoup mieux connues.

Certains ont voulu appliquer l’idée de l’obsolescence des médicaments anciens, ce qui n’a pas de sens, car une molécule n’est jamais obsolète, elle est éternelle. Et au contraire, nous avons une situation qui est devenue complètement fantasque : les médicaments les mieux connus au monde, les moins toxiques du monde ont été considérés comme étant des poisons dangereux.
Didier Raoult

La gestion de la vieillesse est, là encore, l’occasion d’arguer haut et fort.

Le traitement médical du vieillard est généralement une mystification cruelle qui ne « marche » que grâce à la crédulité du patient.

Ivan Illich

La généralisation des soins préventifs et des programmes de dépistage est un autre angle d’attaque de l’ancien prêtre. D’aucuns argueront, à l’aube de l’été 2024, que ces soins sont en régression car leur coût sociétal est considéré comme trop élevé par les gouvernants… Sauf… si Big Pharma y voit son intérêt… et les innovations vont crescendo… comme ce que propose la startup BHealthCare : le dispositif automatisé de prise de sang. Alors que, a contrario, la plupart des diagnostics et des interventions thérapeutiques qui ne nuisent pas (primum non nocere) sont peu coûteux et peuvent être administrés au sein de la famille par des non-professionnels ou des médecins aux pieds-nus (vente sur le trottoir, à la sauvette par des « pieds-nus », de kits à base d’ivermectine pour soigner le Covid dans certains états indiens).

La vérité est que ces dépistages précoces, parfois invasifs, transforment des individus bien portants en individus anxieux… ou participe au diagnostic d’une maladie incurable pour laquelle un traitement précoce mais clairement inefficace va aggraver l’état du patient.

La contre-productivité des systèmes de santé est aussi renforcée par la professionnalisation accrue de la médecine aux profits de ses seuls acteurs et au détriment des individus souvent devenus patients malgré eux.

Knock attendait d’ailleurs la prochaine pandémie comme le “vin de la comète”, ces vins millésimés qui sont annoncés par le passage d’un astre. Il savait bien qu’il faudrait cette menace mortelle et immense pour réaliser sa dystopie. En l’attendant, il formulait un seul regret : “La vérité, c’est que nous manquons tous d’audace, que personne, pas même moi, n’osera aller jusqu’au bout et mettre toute une population au lit…”

Dr Knock

La iatrogénèse structurelle

Illich évoque dans cette ultime partie, les notions de douleur et de mort.

La douleur d’abord,

Il est difficile de reconnaître que la capacité de souffrir peut constituer un signe de bonne santé… Le consommateur, voué aux 3 idoles de l’anesthésie, de la suppression de l’angoisse et de la gérance de ses sensations, rejette l’idée que, dans la plupart des cas, il affronterait sa peine avec beaucoup plus de profit s’il l’a contrôlait lui-même.

Ivan Illich
La mort ensuite,

En 2024, en France et ailleurs, les débats concernant la fin de vie sont brûlants…

L’idée qu’un homme sain et capable de disposer de sa vie et en particulier de l’achever sans avoir recours à l’Eglise ou à l’hôpital semble scandaleuse à la plupart des avocats défendant l’euthanasie, qui réclament le monopole professionnel de l’exécution du patient.

Ivan illich
Illich aborde enfin le transhumanisme sans citer le mot !

Ce nouveau type de client (sic) est un homme riche qui se refuse de mourir, il veut aller jusqu’au bout de ses forces et mourir en pleine activité. Il n’accepte la mort que si elle le trouve en bonne santé, avancé en âge mais toujours vaillant.

Ivan Illich

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