Les nouveaux riches du numérique peuvent-ils contrôler le monde ?

Pillage planétaire et dé-sociabilisation de l’Homme.

Réflexion critique et pessimiste de l’inspecteur sur le nouvel eldorado du capitalisme débridé et décomplexé.

L’inspecteur est assis sur un banc dans le quartier de la Ribera… Hanté par le souvenir des femmes qu’il ne peut plus aimer, il couche sur son carnet des réflexions fort pessismistes… sur l’avenir du monde…

Moi Ricardo, vais ici essayer de décrire comment les hyper-riches du numérique exploitent comme jamais auparavant les ressources de la planète et réduisent les hommes à de simples composants biologiques. L’objectif est que chaque lecteur puisse avoir une vision claire de la façon dont les hyper-riches du numérique veulent et peuvent contrôler les populations. L’essentiel de mon discours va reposer sur l’analyse d’un schéma simple à 3 étages :

Etage 1 : les hyper-riches du numérique et, accessoirement et provisoirement, les organisations étatiques nationales ou supranationales.

Les hyper-riches : ce sont les gourous du nouveau capitalisme débridé et décomplexé. Ils ne sont pas nombreux et sont à la tête  des plateformes-entreprises :

* du GAFAM et, dans une moindre mesure du NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) pour l’Occident,

* de Yandex et VK pour la Russie,

* du BATX pour la Chine.

Pour le GAFAM et juste pour rappel, citons, entre autres :

* Sundar Pichai, patron d’Alphabet (Google), fortune estimée à 1,31 milliard de dollars en 2021 (source CA Knowledge),

* Mark Elliot Zuckerberg, patron de Facebook, fortune estimée à 117 milliards de dollars en 2022,

* Jeff Bezos, patron d’Amazon, 188 milliards de dollars en 2021.

Ces entités économiques sont donc, de facto, en situation d’oligopole comme on le verra infra. Les hyper-riches du numérique ont un mégalo-rêve partagé : le transhumanisme et l’immortalité. L’homme augmenté n’est qu’une étape qui est en cours de franchissement. Les objectifs des hyper-riches sont désormais clairs pour tous ceux qui veulent vraiment réfléchir :

* objectif avoué : assurer une parfaite synchronisation offre/demande en temps réel à l’échelle de la planète. Le vieux fantasme capitaliste est en train de se concrétiser ! Une phrase peut résumer cela : tout est flux, rien n’est stock.

* objectif inavoué (quoique…!) : piller massivement et systématiquement les ressources de la planète pour atteindre le mégalo-rêve déjà évoqué. Des étapes intermédiaires sont là-encore en cours de réalisation :

– affaiblissement et à terme destruction des organisations étatiques nationales ou supranationales par leur corruption systématique et généralisée car ces organisations sont des freins au développement métastatique des plateformes-entreprises,

– contrôle à granularité très fine et en temps réel des populations réduites à un ensemble d’individus sans relation entre eux (ce point est essentiel) à des fins commerciales et de contrôle policier de l’individu. Seul existe l’individu déconnecté des autres, la notion de population doit disparaître. L’exemple du social ranking à la chinoise illustre bien cela.

Les organisations étatiques nationales ou supranationales : ce sont les vilains petits canards de l’Ancien Monde qui font, uniquement pour leur survie et jamais dans l’intérêt des populations :

* au mieux de la résistance,

* au pire s’approprient les queues de cerise laissées par les hyper-riches.

Dans les 2 cas, ces organisations craignent pour leur survie et mettent en place, avec la complicité et l’aide technologique des entreprises du numérique (techno-police), des états policiers. Les politiques ont peur des citoyens qui les ont souvent élus…

Etage 2 : la MIC (Matrice d’Isolement et de Contrôle).

La MIC est une nébuleuse difficile à décrire et à localiser géographiquement mais elle est bien réelle. Elle est parfaitement contrôlée par l’étage 1 stricto sensu (les GAFAM en Occident). Le socle de la MIC repose sur un réseau de datacenters contrôlés par les géants du numérique reliés entre eux par un réseau de télécommunication performant. Au niveau logiciel, la MIC est un ensemble de bases de données massives (Big Data) interconnectées, exploitées par des algorithmes IA (Intelligence Artificielle). La partie visible de l’iceberg est constituée des plateformes d’accès aux services (commerciaux, administratifs ou autres) proposées (imposées) aux citoyens ou plutôt aux individus-consommateurs. La Matrice peut évoquer bien entendu la fameuse « matrice » du film « Matrix » des Washowki qui décrit un monde dystopique très proche de notre futur probable.

La matrice est aussi une nébuleuse « boîte noire » au sens cybernétique dont personne ne maîtrise son fonctionnement (les algorithmes IA sont auto-adaptatifs et, par exemple, dans un contexte de reconnaissance de formes, un algorithme va reconnaître en t0 un chat et en t1 un tigre car entre t0 et t1, il aura « appris »). Personne ne s’intéresse de trop près au fonctionnement après écriture de ces algorithmes mais seulement aux entrées-sorties de la boîte. La MIC est absolument essentielle pour assurer la domination du monde du réel.

Matrice d’Isolement tout d’abord : la MIC est conçue pour faire écran entre étage 1 (les hyper-riches) et étage 3 (les populations), un peu comme il existe quartiers des riches et quartiers des pauvres dans les métropoles… Les puissants ne gèrent pas directement les populations car ils passent par la « Matrice » et, de facto ne sont plus responsables de leurs actes. Ce dernier point est d’autant plus vrai que les décisions automatiques générées par les algorithmes IA ne peuvent être reproduites et le fonctionnement des logiciels échappe même à leurs concepteurs ! Si l’on inclut dans l’étage 1 les organisations étatiques, celles-ci passeront donc par la Matrice et n’auront plus de relations directes avec les populations qui les ont élues… Je laisse ici le lecteur en tirer toutes les conclusions.

Matrice de Contrôle ensuite : la MIC, dans sa fonction de contrôle, est de détruire à terme la plupart des interactions physiques et directes entre les individus considérés par les hyper-riches comme des composants biologiques interchangeables de production/consommation. Quand une interaction entre 2 humains aura lieu, elle ne sera pas, à terme, spontanée et directe mais aura été générée (ou pas… censure, bug) par la Matrice. Prenons un exemple illustratif : la relation amoureuse, autrefois établie par contact physique immédiat ou presque. Aujourd’hui, la plupart des relations amoureuses ou sexuelles passent par la Matrice : plus de contact direct entre Bob et Alice (un clin d’oeil aux informaticiens !) mais Bob passera par les services d’une plateforme numérique payante (Meeting ou Tinder… ) qui fera le choix à sa place entre plusieurs prétendantes Alice (on le lui souhaite !) ou Samantha selon des critères inconnus du principal intéressé (Bob) mais rationnellement déterminés par de puissants algorithmes.Les exemples de ce type ne manquent pas et la MIC sera très fortement impliquée dans les processus de santé et les relations médecin-patient… Développer ce dernier point nécessiterait un ouvrage entier. Pire encore : la MIC ne se contente pas de casser les relations directes inter-individus mais va inter-agir très fortement avec chaque individu connecté. Un individu connecté est un individu qui est en relation en temps réel et ininterrompue avec la MIC. L’échange se fera dans les 2 sens :

* individu –> MIC où l’individu va communiquer tout un ensemble de données liées à sa vie privée, professionnelle ou publique à l’instant t, le plus souvent sans son consentement explicite (ce qui est en soi déjà un problème) via des objets connectés (smartphones, montres connectées, capteurs divers, sous-cutanés ou non), Ces données alimenteront les Data Base de la Matrice.

* MIC –> individu où la MIC va interagir sur l’individu par exemple par message subliminal voire même par asservissement des mouvements physiques de l’homme-machine… Ce n’est pas de la science-fiction et cela est parfaitement décrit dans les ouvrages d’Eric Sadin. Pour résumer, la Matrice détruit (c’est son but) les relations inter-individuelles directes et créé autant de « menottes numériques » que d’interactions entre la MIC et un individu.

Etage 3 : les individus-numériques : dé-socialisation et exclusion sociale.

Ici, il s’agit d’abolir la notion même de relations individuelles directes et spontanées entre les hommes, les nations, les populations et les communautés. Chaque individu est un élément (un composant biologique industriel) contrôlé en temps réel par la Matrice. Pour chaque action de chaque être, chaque écart entre résultat attendu et résultat obtenu sera analysé et corrigé instantanément. Le film « Sorry, we missed you » de Ken Loach (2019) illustre parfaitement cela en dénonçant les dérives de l’uberisation. Ce modèle de société reposant sur ce que l’on appelait il y a longtemps la cybernétique (Norbert Wiener, 1947), acceptera sans doute des électrons-libres, des citoyens déconnectés de la Matrice soit par choix, soit par impossibilité permanente de connexion (la fameuse fracture numérique clamée par les politiciens) ce qui aboutira à l’exclusion sociale, volontaire ou subie, d’un grand nombre d’individus. Entendons-nous bien : l’exclusion sociale est créée non par l’impossibilité de se connecter à la Matrice mais par l’obligation de se connecter à elle pour maintenir une vie sociale. Ce n’est pas la même chose… Elton Musk (SpaceX et Tesla) avait averti en 2014, lors d’une conférence du MIT : « « Avec l’intelligence artificielle, nous invoquons un démon. Dans toutes les histoires mettant en scène un type avec un pentagramme et de l’eau bénite, il est sûr qu’il va pouvoir contrôler le démon. Sauf qu’il n’y arrive pas. »

Je recommande vivement Eric Sadin, écrivain et philosophe, dont la lecture de ses ouvrages m’a permis cette prise de conscience. Je le remercie ici.

Note du 2 janvier 2024 : cet article, publié en 2022, pourrait sans doute être considéré comme une modeste introduction au brillant essai d’Eric Sadin publié fin 2023 : « la vie spectrale« .

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