A propos de la domination…

Revenons quelques mois en arrière… Carme Ruscadella, la cheffe du Moments, 2 étoiles au Michelin, Passeig de Gràcia à Barcelone, avait déposé plainte pour vol de son Vespa Rallye 200 cc vert olive millésime 1971. Le vénérable et incompétent Ricardo Méndez a été chargé de cette enquête de la plus haute importance par Monsieur Monterde, accessoirement commissaire principal et principalement fumeur de havanes Upmann.

L’enquête s’avère plus ardue que prévue et le vieux flic a dorénavant ses entrées au Moments. Nous le retrouvons donc aujourd’hui, un peu aviné, à une table en retrait dominée par un clair-obscur assurant son anonymat, d’où il peut analyser travers et déviances de ses congénères, souvent lors de têtes à têtes de couples illégitimes ou de repas d’affaires qu’il devine aux franges de l’illégalité…

Un diner au Moments est l’occasion pour Ricardo de parcourir quelques journaux européens. L’affaire Depardieu fait actuellement la une de la presse française voire européenne. « Gérard Depardieu serait-il un « prédateur sexuel » ? Cet acteur mondialement connu devrait-il être rapproché du producteur de cinéma déchu Harvey Weinstein ou du réalisateur Roman Polanski au moins pour user des mêmes rituels ? Poussons un peu le raisonnement » se dit l’officier.

Le misérable représentant de l’ordre a lu tous les ouvrages de vulgarisation de Henri Laborit, chirurgien et surtout neurobiologiste mais aussi philosophe.

Henri Laborit s’appuie au départ sur la théorie du cerveau triunique de Paul D. MacLean pour faire ses premiers travaux de biologie expérimentale sur… des rats !

Quelles sont ses premières conclusions ?

  • l’Homme doit consommer pour survivre (se nourrir mais aussi procréer),
  • pour pouvoir assurer sa survie, il doit souvent lutter (les ressources sont limitées),
  • Si l’Homme ne peut pas lutter, il n’a que 2 issues : la fuite ou l’inhibition de l’action.

La fuite est souvent ce qui peut arriver de mieux pour un individu qui ne peut (ou ne veut) lutter. Il va donc dans ce cas là, s’évader dans les drogues (Henri laborit consommait à des fins récréatives et d’appaisement le fameux Acide gamma-hydroxybutyrique – actuellement connu sous le sigle GHB, « la drogue du violeur » et anciennement connu dans le milieu francophone sous le terme gamma-OH), la psychose, l’Art ou la recherche scientifique fondamentale).

Le pire est quand l’Homme inhibe dans l’action : il se soumet alors qu’il lui faudrait lutter ou fuir pour sauver sa peau. Il va donc développer une angoisse, des maladies et potentiellement connaître la mort souvent par suicide.

La consommation, la lutte et l’inhibition dans l’action sont des pulsions émanant du seul cerveau reptilien, la couche la plus basse du cerveau. La couche intermédiaire, le cerveau limbique, est là pour moduler les pulsions en fonction de l’apprentissage lié à la fameuse « niche environnementale ». Enfin, la couche supérieure du cerveau, très développée chez l’Homme, est le neo-cortex, le cerveau « imaginant ».

Bien entendu, lutter pour dominer l’autre (quand on peut lutter donc dans un certain contexte environnemental) n’exclut pas pour un même individu d’inhiber dans l’action dans un autre contexte… Diriger de main de maître une multinationale n’induit pas forcément une relation de dominance sur son compagnon de vie !

Une question taraude le cerveau embrumé par le vin de Méndez : « pourquoi lutter pour dominer quand les besoins essentiels à la survie sont satisfaits ? ». La réponse est à rechercher parmi les leviers manipulatoires classiquement utilisés par les espions de tous tonneaux pour contrôler une cible humaine :

  • l’idéal,
  • l’argent,
  • le sexe,
  • le pouvoir, l’ego et une certaine forme de mégalomanie.

Ces « récompenses » sont toutes satisfaites par des pulsions générées par le reptilien et expliquent le comportement d’un individu ou d’un groupe d’individus dominant(s) sur d’autres, soumis eux.

Néanmoins, les rapports de dominance sont souvent vécus comme des injustices et il faut passer un « vernis d’acceptabilité sociale », un alibi propre à une époque, des croyances, des biais cognitifs…

Pour lutter sans que cette domination ne soit fortement rejetée (et remplacée par une autre !), il faut donc construire de toutes pièces des histoires pour… justifier l’injustifiable…

Des histoires à base de races (une race est supérieure à une autre), d’identités (liées à un sol, des gènes, des traditions, des luttes antérieures… ), de religions, de scientisme, de féminisme, de colonialisme, d’appartenance à des groupes ou obédiences dites fraternelles (franc-maçonnisme), de récits historiques reconstruits pour servir d’alibis… de concurrence, de recherche d’énergies pour alimenter un modèle économique suicidaire et anthropocène…

Ces alibis en concurrence évoluent (certains se mettent en retrait sous la pression sociétale du moment voire disparaissent définitivement et d’autres prennent leurs places… ) toujours pour masquer ou justifier la dominance de l’Homme sur d’autres Hommes. La lutte par et pour le sexe est de moins en moins socialement acceptée alors que les luttes à connotation raciste sont derechef en plein essor. Scientisme et technosolutionnisme tendent à occulter la recherche fondamentale surtout en ce qui concerne les « sciences molles ».

L’hyper-capitalisme dirigé par les hyper-riches se caractérise par une dominance industrielle hyper-concentrée à échelle mondiale. Cet hyper-capitalisme suicidaire, une forme de « monstrueuse hyper-dominance », une protubérance maligne en quelque sorte, a besoin d’alibis pour exister, des histoires dignes des bonimenteurs des foires d’antan, utilisant les réseaux sociaux comme véhicules de la bien-pensance, voire comme police de la pensée, réseaux sociaux appartenant et de facto contrôlés par les hyper-riches mégalomaniaques à la recherche, dans leur lutte, in fine, de leur immortalité. Pour croiser le fer derechef avec l’exemple de dominance cité au début comme point de départ, Harvey Weinstein est le produit type, produit industriel monstrueux et incontrôlable créé par l’hyper-capitalisme. Nous somme très loin ici des présumés attouchements et grognements à connotation sexuelle de la star française ! C’est une toute autre dimension qu’il convient d’appréhender comme telle.

Les détracteurs de Méndez et féministes de tous poils (petit rire du vieil homme de loi) prétendront que son analyse n’est vue qu’à travers un seul prisme : les travaux de Laborit. Que nenni, de nombreux autres chercheurs aboutissent aux mêmes conclusions même s’ils vont moins loin que le neurobiologiste qui, lui, propose un modèle de société.

Citons l’ouvrage du grand Pierre Bourdieu : « les rapports de domination. A propos de la domination masculine« .

Selon ce sociologue, les dominants (groupes sociaux, ethnies, sexes) imposent leurs valeurs aux dominés qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre domination. Bourdieu, comme Laborit ne voit dans le sexe (le genre) qu’un levier parmi d’autres pour exercer une domination au même titre que… la couleur de la peau. Rien de plus en fait.

Citons encore Edgar Morin qui ne pouvait qu’apprécier l’approche systémique du biologiste :

Laborit a pratiqué entre la biologie et la sociologie une soudure épistémologique.

Les relations dominants-dominés ont été très étudiés (et continuent de l’être) en sociologie, les féministes n’ont rien inventé et apparaissent plus comme… un groupe de dominance dont le but est d’en contrer d’autres. La force des recherches de Laborit est que celles-ci proposent une nouvelle forme de société basée sur l’information en décrivant ce qui se passe de la molécule à l’Homme en situation sociale.

Tout est décrit dans son ouvrage de 1973 :

« Société informationnelle : idées pour l’autogestion« .

Ce modèle de société passe par la transmission d’informations entre cellules, organes, individus, systèmes en s’appuyant, bien avant la généralisation des réseaux numériques, sur la théorie de l’information (Claude Shannon) et sur la cybernétique (Norbert Wiener).

Ricardo finit son sixième verre de vin de Torres millésime 2014. Nous sommes loin de l’écran de fumée « Depardieu », artiste qui assouvit sa dominance de manière bien inconsciente par ses pulsions sexuelles qui ont été tolérées voire totalement admises il y a 20 ans…

La dominance par le sexe un jour disparaitra… la dominance féministe aussi… Mais…

« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »

— Henri Laborit, Mon oncle d’Amérique

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